À vous qui ne me connaissez pas
À vous qui ne me connaissez pas.
À vous qui n'avez certainement jamais posé le regard sur moi. Qui n'avez jamais pu lire dans la profonde couleur maronnasse de mes yeux la détresse qui les habite, vous qui n'avez jamais pu vous dire "Seigneur, j'ai devant moi la pire merde que ce siècle ait enfanté".
Que dire de plus ? Les gens m'inciteraient sûrement à commencer par le début. Mais de début il n'y en a point. Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été la pariât des microcosmes dans lesquels j'ai évolué. De cette haine que j'ai gardée, le souvenir omniprésent est celui du silence. On ne m'a pas souvent laissé la parole. Les rares fois étaient pour me donner en spectacle, que ce soit comme ce petits singes qui savent compter les bananes ou comme ces fourmis qui se ridiculisent avant de se faire écraser sous l'hilarité des enfants du haut de leur botte.
Dans mes veines coule l'amour du vice. Je les ai tous épinglés. Une vie à l'image "rock'n'roll" qui n'a de "roll" que le roc que je tente d'escalader. Ma vie est une épée. Bien aiguisée et à double tranchant. Le tranchant lisse, propre et le tranchant sali par la perversion d'une vie gâchée.
Je ne l'ai pas souvent contée mais voici l'histoire de ma vie.
Les démons qui m'habitent se manifestent de différentes manières. Tantôt agressifs, tantôt apeurants. Ils jettent à mes yeux la poussière d'une terre arride, m'aveuglant au passage. Ils s'exprimeront cette nuit.
Oui, je me donne la mort ce soir. Rien de bien désolant, juste un reflet de la symbolique humaine. Les limites de la réalité lorsque son souffle glacé nous enveloppe comme le linceul qui couvre mes yeux bien vitreux. Entre les mots et la balle chaudement sortie du canon, ma tête a décidé de ce qu'elle porterait et dégueulerait une dernière fois cette nuit. Rien de personnel quand je vous dis que je vous méprise. C'est juste la vie et toutes ses composantes que je hais.
Je suis bien des filles. La seule que je porte vraiment dans mon coeur c'est la fille agneau. Fragile, apeurée.
J'ai toujours tout fait pour la gloire. Me faire remarquer. Je n'ai jamais trouvé ma place dans ce monde, montrer ma personne était le seul moyen de survivre. Tous les moyens sont bons pour me donner la sensation d'exister aux yeux des autres. La scarification en fait partie. Ce n'est pas pour rien que j'ai toujours préféré mes cicatrices sur les bras que sur les cuisses. On les voit. Je me scarifie aussi souvent à l'hôpital qu'à l'exterieur car on s'occupe de moi. Je vis pour quelqu'un, ne serait-ce que cinq minutes pour me faire un pansement. Je suis spéciale.
Je suis allée jusqu'à me rouer de coups pour avoir des bleus ou m'étrangler avec mes lacets pour laisser des marques sur ma peau blanche, nue, pure.
Si je devais rendre une justice dans ma vie je sais déjà sur qui elle s'abattrait. Je fais claquer mes bretelles de l'accusation. Oui, j'ai été agressée. Par un ami qui, ses habits ôtés, était apte à me trahir. Il s'idôlatra dans mon malheur. Et ce schéma qu'était sa vie, je l'ai reprodruit maintes fois par la suite, pour me l'infliger. Baiser à tout va, avec les premiers venus. La luxure couchait tous les soirs sous mon lit.
Je n'étais pas une mauvaise fille. Juste une trainée incapable d'éprouver une once de plaisir. Je peux donc tout donner de mon corps,de la bouillie de mon esprit. Ne rien attendre, si ce n'est de la douleur, pour ne pas être déçue.
Tant de fois j'ai essayé de garder mon humanité mais les couteaux brûlant qui s'abattaient sur ma peau avaient à chaque fois raison de moi. De mes chairs ouvertes se dégage cette odeur si particulière, mélange de satisfaction et de soulagement. Les gens ne comprennent pas mes gestes. Ils ne connaissent pas le bien que cela fait de se faire du mal. Je ne suis pas moi-même. Je ne suis plus quelqu'un mais quelque chose. Une pulsion, une décharge éléctrique. Indésirable, infréquantable. Indicible et immuable. La tentation d'un objet potentiellement tranchant est trop forte pour une personne fragile comme moi.